Textes

Adapté du texte introductif du volume Pratiques de la négociation, sous la direction de Thierry de Montbrial et Sabine Jansen, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 11-27

Nous passons notre vie à négocier, le plus souvent sans même nous en rendre compte. La vie est une suite de négociations. Il s’agit donc d’un thème universel. Il fait l’objet de toute une littérature théorique et s’enseigne aujourd’hui dans les écoles de commerce ou d’ingénieurs. Mais, en règle générale, les gens se préoccupent davantage du résultat que du processus qui y conduit. Ce qui leur importe, c’est l’accord signé, la décision prise ou le prix finalement payé. De même que, en matière de gastronomie, on juge de la qualité d’un plat avant tout sur ses saveurs, sur le plaisir qu’il procure et non sur son mode de confection à l’office.

Texte publié sous le titre « Franco-American Relations: A Historical-Structural Analysis » dans Cambridge Review of International Affairs, vol. 17, n° 3, octobre 2004.

Pour traiter des relations entre deux pays, il faut un cadre analytique, auquel le début du présent chapitre est consacré. Le lecteur pressé d’en arriver au fait pourra sauter ces quelques paragraphes et aborder directement les relations franco-américaines, traitées ici dans une perspective historique. Je conclurai avec quelques brèves réflexions sur la situation consécutive à la guerre de 2003 pour le changement de régime en Irak.

Version remaniée – mais dont le style oral a été conservé – de l’exposé introductif au colloque « L’identité de la France et l’Europe » tenu à Fondation Singer-Polignac le 23 juin 2004. Cf. Thierry de Montbrial et Sabine Jansen (dir.), L’Identité de la France et l’Europe, Bruxelles, Bruylant, 2005

Il est frappant de constater, lorsqu’on voyage à travers le monde, que les Français semblent les seuls à souffrir d’un mal profond, prenant sa source dans un sentiment de remise en question de leur identité. Il y a naturellement des pulsions identitaires ici et là, qui conduisent à des drames comme l’éclatement de la Yougoslavie et bien d’autres. Mais cette sorte de sentiment de décomposition de la personnalité française me semble être une spécificité de l’Hexagone qu’il paraît utile d’explorer. Du reste, la floraison d’écrits sur la question identitaire prouve combien le sujet est d’actualité.

Communication à l’Académie des Sciences Morales et Politiques le 4 juin 2004

La dernière vague d’élargissement de l’Union européenne, célébrée le 1e mai 2004, a porté de quinze à vingt-cinq le nombre des Etats membres. Elle a été largement saluée par les peuples concernés comme un grand pas vers la reconstruction de ce que géographes et historiens appellent vaguement notre « continent ». Avec l’adjonction de la Roumanie et de la Bulgarie en 2007, nous serons bientôt vingt-sept, sans compter vraisemblablement plus tard la Croatie, puisque la Commission de Bruxelles a émis un avis favorable à l’ouverture des négociations et qu’il ne s’agit pas d’un gros morceau.

Texte rédigé à l’occasion de la remise à l’auteur du Grand Prix 2003 de la Société de géographie, le 4 février 2004. Voir La Géographie, n° 1513, juin 2004. Voir également le livre Géographie politique, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2006

Toujours à la recherche de son identité, la géographie, science des rapports de l’homme et de la terre, est pourtant l’une des reines du savoir. Autant que les romanciers et les poètes, les géographes inspirent nos discours sur l’identité des pays. Plus de trente années de pérégrinations et de fréquentation avec tous les aspects des « relations internationales » m’en ont convaincu, davantage que les cours de l’enseignement secondaire, malgré d’excellents ouvrages comme ceux de Pinchemel et Ozouf dans les années 1950, toujours présents dans ma bibliothèque .

Adapté d’un texte publié dans Le Débat, n° 128, janvier-février 2004, dans le cadre d’un dossier consacré à L’Action et le système du monde et composé des articles suivants : Jean-Pierre Dupuy, « Une science de l’action est-elle possible ? » ; Zaki Laïdi, « L’État et la mondialisation » ; Noël de Saint-Pulgent, « L’action et la réflexion » ; Christian Schmidt, « La praxéologie en question »

Faisant écho à une remarque de Pierre Hassner , Jean-Pierre Dupuy juge que « la forme ne détermine pas le contenu et que le même style de pensée peut produire des thèses divergentes ». Plus précisément, lui comme moi pensons « par modèles », ce qui est le propre de l’activité scientifique.

Texte rédigé en 2003 pour un séminaire de philosophie des sciences sous la direction de Bernard d’Espagnat, à l’Institut de France. In Implications philosophiques de la science contemporaine, tome 3 : Complexité, vie, conscience, Paris, PUF, 2003

Essence et mesure de l’espace et du temps : La mesure de l’espace (distances) et du temps, la compréhension de leur nature font partie des préoccupations pratiques et philosophiques les plus fondamentales de l’humanité. Pratiques, car le développement des activités collectives (économiques en particulier) va de pair avec la capacité, d’une part, de mesurer les phénomènes – les étendues et les durées, mais aussi par exemple les grandeurs économiques, comme le fait la comptabilité – et, d’autre part, d’adapter les comportements (faits culturels) en conséquence.

Transcription revue d’une conférence prononcée le 2 octobre 2003 lors du séminaire « Penser l’Europe », organisé conjointement par l’Académie roumaine et l’Institut français des relations internationales à Brasov

On peut définir l’Europe, ou plutôt l’Union européenne que nous sommes en train de construire, comme une nouvelle sorte d’unité politique en voie de fabrication, selon un processus ancré dans une réalité quasi biologique et qui, par conséquent, prend du temps. Et, de la même manière que pour concevoir un enfant, il faut en principe neuf mois, pour fabriquer une nouvelle unité politique, un siècle est nécessaire, peut-être plus. L’État-nation tel que nous le connaissons aujourd’hui est l’aboutissement d’un long cheminement qui commence vers la fin du XVe siècle, se développe progressivement, aboutit au XIXe et qui, finalement, s’abîme au XXe siècle dans les catastrophes dues aux excès du nationalisme.

Texte introductif révisé du live Réformes-révolutions. Le cas de la France, Paris, PUF sous la direction de Thierry de Montbrial, Académie des sciences morales et politiques, 2003 (actes du colloque « Réformes-révolutions », organisé par la Fondation Singer-Polignac le 30 octobre 2002)

À l’origine de ce chapitre, il y a une fascination personnelle que j’éprouve depuis mon enfance, à l’époque où, sous l’influence de mon père, je lisais des livres d’histoire, parfois des auteurs célèbres comme Jacques Bainville ou Jules Michelet. Je ne comprenais pas toujours les fondements de leurs assertions. Je jugeais – c’était peut-être le futur mathématicien qui perçait – qu’il y avait dans leurs écrits beaucoup d’affirmations non justifiées. Autrement dit, je ne voyais pas clairement les théories sous-jacentes, dont je pressentais pourtant qu’elles existaient.

Version développée d’une conférence prononcée le 1er juillet 2003 dans le cadre d’un colloque organisé en hommage au mathématicien Laurent Schwartz, dans les locaux de l’École polytechnique à Palaiseau. Ce texte a été publié dans une édition spéciale de la Gazette des mathématiciens, sous le titre « Laurent Schwartz (1915-2002) », supplément au n° 98, 2003

J’ai eu la grande chance d’appartenir à la « fameuse promotion 1963 » de l’École polytechnique, dont Laurent Schwartz écrit dans ses Mémoires qu’elle fut celle qui lui a donné « le plus de bonheur ». En sont notamment issus plusieurs mathématiciens renommés.
Mon premier contact avec mon futur professeur puis collègue fut indirect. C’était l’été 1963, juste avant mon incorporation à l’X (à l’époque à la montagne Sainte-Geneviève).