Interview à Europe 1 sur le Forum de Paris pour la paix

Interview par Fabienne Lemoal dans l’émission Europe Midi le 11 novembre 2018

Ecouter l’intégralité de l’interview sur le site de Europe 1 avec ce lien

Le Président de l’Institut français des relations internationales ne s’appesantit pas sur l’absence de Donald Trump mais craint des dérapages idéologiques, même au sein de l’Europe.

Interview

Vladimir Poutine, Angela Merkel, Emmanuel Macron ou encore Antoine Guterres, secrétaire général des Nations unies. Les chefs d’Etat et hauts représentants sont regroupés à Paris, à la Villette pour le Forum sur la paix, ce dimanche. Mais un dirigeant brillera par son absence : Donald Trump. Invité dans le journal de la mi-journée sur Europe 1, Thierry de Montbrial, directeur de l’Institut français des relations internationales (Ifri) et l’un des organisateurs du Forum, revient sur la décision du président américain de ne pas participer et sur l’enjeu de ce rendez-vous mondial.

Reconstruire dans un monde qui a changé. La non-présence de Trump n’est pas si étonnante pour le spécialiste, qui y voit la droite ligne de la philosophie du président américain. « Le Forum s’inscrit dans ce qu’on appelle aujourd’hui un peu trop facilement le multilatéralisme. Or, chacun sait que Trump joue au contraire la carte du chacun pour soi et des rapports de force ». A l’inverse du journal L’Opinion qui titrait sur le Forum des anti-Trump, Thierry de Montbrial considère qu' »il ne faut pas trop se focaliser sur Trump. (…) Il est tout à fait clair que le système qui a été construit après la Seconde Guerre mondiale autour du multilatéralisme et des alliances s’effrite. C’était prévisible, maintenant, il faut reconstruire quelque chose d’autre. »

« Risque de dérapage ». Arriver à une reconstruction passerait d’après lui par les think tanks, qui n’existaient pas au sortir de la guerre de 1939-1945. « L’une des missions de ces think tanks est de travailler à l’architecture de paix dans le monde. Préparer la paix, c’est aussi difficile, sinon plus, que de préparer la guerre », souligne-t-il. Le principal écueil aujourd’hui est, selon lui, « le risque de dérapage, qui commence par un dérapage idéologique. Ce dont on a besoin aujourd’hui, c’est de retenue, de modération. L’intérêt national existe, ça peut être plus ou moins étroit comme chez Trump, ou plus ou moins large, et il est normal que les nations au sein même de l’Europe négocient, mais sans dérapage idéologique et sans dérapage verbal », insiste-t-il.

« Constamment agressif ». La retenue est précisément ce qui fait défaut au grand absent, le président américain. En témoigne le tweet envoyé dès son pied posé sur le sol français lors des commémorations du 11-Novembre. « Le reproche principal, c’est son style, c’est d’être constamment agressif », complète le spécialiste, qui y voit des conséquences : « Des gens imitent. Mohammed ben Salmane en Arabie Saoudite ne serait pas ce qu’il est s’il n’y avait pas eu Trump. » Et le spécialiste de conclure sur la méthode à adopter pour que le Forum soit un succès : « Il faut faire extrêmement attention à contrôler ses paroles et son langage. Il faut échanger, et négocier pour voir où sont les intérêts supérieurs communs. »