Relations internationales
Textes
Éditorial du 8 novembre 2020
J’écris cette septième lettre le dimanche 8 novembre. Hier, la victoire du couple Joe Biden – Kamala Harris a été proclamée urbi et orbi par la presse mondiale. On nous dit cependant que les avocats de Donald Trump vont multiplier les recours et bien peu semblent penser qu’ils aient une chance d’aboutir. A ce stade, on doit donc prendre acte de ce que l’actuel occupant de la maison Blanche rejoint le club fort restreint des one term presidents. D’autres observations s’imposent non moins immédiatement. La vague bleue annoncée par les sondages n’a pas eu lieu, loin de là. Il s’en est fallu de peu que la balance ne penche en faveur de l’adversaire de Biden dans les Etats pivots, d’où les recours. Les démocrates n’ont pas atteint leurs objectifs au Sénat et à la Chambre des représentants. Plutôt que de la victoire d’un homme, qui s’est peu dépensé pendant la campagne, on parle beaucoup de celle d’un couple : Biden – Harris. Ce point est capital, car le nouveau président paraît fragile et l’ancienne procureure de la Californie a des chances d’accéder à la Maison Blanche dans quatre ans, sinon avant.
Or, contrairement à son ancien adversaire dans la bataille des primaires, Kamala Harris fait partie psychologiquement du nouveau monde, éloigné de l’Europe (mais proche de l’Asie), celui où se joue la compétition entre les Etats-Unis et la Chine pour l’accès à la primauté. Dans ce monde-là, les Européens sont relégués aux seconds rôles. En raison de son âge et de son expérience personnelle, le président élu (élu, sous réserve d’un coup de théâtre fort peu probable) reste attaché à l’Alliance atlantique, comme aussi certains de ses conseillers tel Anthony Blinken, bien connu en France. Mais les observateurs lucides savent que, au moins depuis le début de ce siècle, l’Europe n’a cessé de s’estomper dans l’esprit des acteurs comme des penseurs de la politique étrangère américaine. Avant d’entrer un minimum dans ce sujet, j’ajouterai encore deux remarques. D’abord, l’issue de l’élection du 3 novembre ne signifie nullement que les divisions de la société américaine vont disparaître comme par enchantement. Biden est certainement plein de bonne volonté, mais il est tout sauf un enchanteur, et les raisons des divisions américaines, dont j’ai parlé dans mes dernières lettres, sont profondes. Incidemment, le relatif échec des démocrates au Sénat et à la Chambre des représentants pourra aider le nouveau président à ne pas trop s’éloigner du centre, comme l’aurait souhaité Kamala Harris. Le point réellement important est que le trumpisme reste une force considérable dans le pays. Trump lui-même pourrait continuer de l’incarner dans les prochaines années s’il ne dérape pas dans les prochaines semaines. A ce sujet – c’est ma seconde remarque – on doit se féliciter de ce que les explosions de violence au lendemain de l’élection, prédites par nombre d’analystes, n’aient pas eu lieu. On peut penser qu’elles ne seraient pas dans l’intérêt du président sortant, si du moins celui-ci songe à préserver un capital politique dont l’ampleur est indéniable.
A l’évidence, les débuts du 46e président des Etats-Unis seront dominés par la pandémie de Covid-19 et ses conséquences de toutes sortes. Mais la politique étrangère n’attendra pas. Il est inutile de répéter ici le point de vue dominant parmi les experts reconnus sur le sujet, que l’on peut caricaturer ainsi : changement dans la forme (retour à la pratique classique de la diplomatie, à l’invocation des droits de l’homme, ou encore à une interprétation minimaliste du multilatéralisme), mais continuité dans l’objectif fondamental (America first) et dans l’attitude vis-à-vis des partenaires (« qui n’est pas pour nous est contre nous »). La culture américaine du pouvoir, au contraire de celle des Européens affaiblis par les deux guerres mondiales, est celle des rapports de force. Plutôt que d’enchaîner des lieux communs sur ces sujets, résumons à très grands traits trois points-clé amplement développés dans mes écrits depuis trois décennies. Je me limiterai ici au point de vue européen.
Dans l’immédiat, les Européens se réjouissent de l’élection d’un président américain à nouveau empathique qui leur fera bon accueil dans le bureau ovale et ailleurs. Ils ne sont pas les seuls à aspirer au répit, à un moment où ils font face à l’ennemi invisible qui les menace comme il menace les Américains. Puisse l’Alliance atlantique à court terme être d’abord l’alliance contre le virus. Pour une fois dans son histoire, n’avons-nous pas l’occasion de réinterpréter l’article 5 du traité et de mobiliser toutes les ressources de l’OTAN pour un combat collectif contre la pandémie ?
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