Présentation de la 9° édition de la World Policy Conference
La 9° édition de la World Policy Conférence s’est tenue du 20 au 22 novembre 2016 à Doha
Le programme de la 9e édition de la World Policy Conference (WPC) a couvert les principaux thèmes de la gouvernance mondiale, dans l’esprit d’ouverture et de tolérance qui fait partie de notre identité. Mais comme nous nous sommes réunis à Doha seulement quelques jours après l’élection de Donald Trump, il n’est guère surprenant que ce sujet soit ressorti d’une manière ou d’une autre dans toutes les sessions et qu’il ait donc occupé le devant de la scène.
Ce n’est pas que le système international soit devenu monopolaire, comme certains l’avaient naïvement cru au début des années 1990, après la chute de l’Union soviétique. Il est clairement multipolaire, global, hétérogène et complexe. Ce dernier terme implique un haut degré d’instabilité structurelle. Cependant, les différents « pôles » ne sont pas équivalents. Les effets d’un retournement durable dans la politique extérieure américaine seraient considérables dans le monde entier. Aucun autre « pôle », pas même la Chine, n’a encore une influence planétaire comparable à celle des Etats-Unis d’Amérique.
Quatre mois après son élection et un mois et demi après son installation à la Maison Blanche, on ne peut pas dire que les manières du 45e président des Etats-Unis aient significativement changé. Tout au plus se montre-t-il moins provoquant vis-à-vis de la Chine ou plus prudent vis-à-vis de la Russie. Il a laissé le vice-président Pence réaffirmer, mais non sans d’exigeantes conditions financières, la fidélité au credo atlantiste. Son soutien aux alliés en Asie de l’Est est d’autant plus crédible que ni le Japon ni la Corée ne reculeront devant l’effort de défense. Dans d’autres domaines, comme le commerce international ou le traitement des immigrés, Trump est resté intraitable. Il tourne le dos au multilatéralisme de l’OMC et persiste dans sa volonté de construire un mur à la frontière mexicaine. Il persiste également dans sa volonté de démanteler les mesures de régulation mises en place après la crise des subprimes, au risque d’une nouvelle crise financière majeure, tôt ou tard. Sur un point, il réaffirme et au-delà ce qui est sans doute l’invariant le plus fondamental de la grande stratégie des Etats-Unis : la volonté de conserver et même de renforcer la supériorité absolue des moyens militaires, par rapport au reste du monde, quitte à relancer la course aux armements comme au temps de la guerre froide. Le réalisme américain auquel il faut s’attendre pour les prochaines années procède d’une vision étroite de l’interdépendance.
Il existe cependant au moins trois raisons d’espérer. D’abord, malgré sa victoire électorale, le nouvel hôte de la Maison Blanche n’est pas représentatif de toute l’Amérique et l’Amérique le lui fait sentir. Ensuite, il devra s’adapter, comme il a déjà commencé à le faire face à la détermination de Xi Jinping. Enfin et surtout, d’un mal peut sortir un bien, dans la mesure où les partenaires des Etats-Unis se trouvent, cette fois sérieusement, incités à mieux prendre leur destin en main. C’est en particulier le cas de l’Union européenne, par ailleurs fragilisée par une conjonction de plusieurs crises (le Brexit, l’eurozone, les réfugiés, le populisme). Pour la première fois depuis les traités de Rome il y a soixante ans, elle doit sérieusement envisager de voler de ses propres ailes, certes dans le cadre de l’alliance atlantique, mais sans plus de protecteur. Encore l’Union doit-elle se montrer capable de résister aux tentations suicidaires qui l’accablent actuellement et de saisir la perche involontairement tendue par les Etats-Unis. Et si elle y parvient, elle montrera au reste du monde qu’une Europe redevenue forte ne sera plus jamais une Europe impérialiste.
L’une des plus grandes interrogations pour le système international à moyen terme est la capacité de l’Union européenne à devenir ce qu’elle porte en germe, c’est-à-dire le grand laboratoire de gouvernance à l’échelle d’un vaste ensemble régional, selon une logique de plus en plus imposée par les réalités technologiques. C’est parce qu’en plus d’un patrimoine culturel sans équivalent, l’Europe a ce potentiel qu’elle peut encore inspirer tous ceux qui veulent vivre dans un monde ouvert et tolérant. C’est à la construction d’un tel monde que la World Policy Conference entend apporter une contribution.
Voir le discours d’ouverture et le discours de clôture, ainsi qu’une interview réalisée pendant la conférence