20 ans après Maurice Allais toujours méconnu
Texte révisé d’une intervention au colloque « La vie et l’œuvre de Maurice Allais », à l’École des Mines de Paris, le 31 mai 2011
Je diviserai mon propos en trois parties. Tout d’abord quelques souvenirs personnels. Il y en a beaucoup, ce sera donc très sélectif. J’ajouterai quelques mots sur l’œuvre. Je conclurai en revenant sur le thème : « Maurice Allais, savant méconnu ». Car, malgré le prix Nobel, il est resté méconnu.
Je suis de ceux parmi nous aujourd’hui qui ont eu Maurice Allais comme professeur à l’École des Mines. C’était en 1966-1967. Ses anciens élèves se souviennent de la salle de cours, revêtue de panneaux muraux truffés d’équations. Il avait un collaborateur, Monsieur Berthier (à l’époque, on ignorait les prénoms). M. Berthier était son homme à tout faire. Il disposait les tableaux, que le professeur commentait au fur et à mesure. C’est M. Berthier qui, le 29 juin 1992 en début d’après midi, me téléphona pour m’informer d’une voix sinistre que je venais d’être élu membre de l’Académie des sciences morales et politiques…
Je me souviens avec une grande netteté du séminaire, plus fermé que les cours. Un jour, j’y ai amené ma très jeune fiancée. Maurice Allais l’a regardée intensément. Il n’y avait guère d’ambiguïté sur la nature de ce regard, mais je m’interrogeais sur sa signification. À la fin de la séance, le maître me dit qu’il trouvait bien jeune l’économiste qui m’accompagnait. Je lui répondis qu’elle n’était pas une économiste mais ma fiancée. Il me fixa et m’asséna : « Montbrial, vous êtes fichu pour les sciences. » Ce qui, in fine, a peut-être été vrai.
Je suis parti faire un doctorat à Berkeley. Je crois avoir été le premier d’un trio, au sens temporel du terme, avec Jean-Michel Grandmont et Roger Guesnerie, tous deux devenus des chercheurs consacrés internationalement. Maurice Allais n’était guère content que j’aille là-bas faire ma thèse avec Gérard Debreu, le « pape » de l’économie mathématique. Car il avait accumulé des divergences sérieuses avec son ancien élève expatrié aux États-Unis. Ces divergences portaient justement sur l’abus de formalisation en économie. Je mentionne ce détail parce qu’Allais lui-même a été beaucoup critiqué à cet égard. Il est pourtant intéressant de relever que, jeune déjà, il fustigeait l’excès dans le recours aux mathématiques. C’est un sujet épistémologique important, sur lequel il s’est fréquemment exprimé, mais qu’il est hors de question de traiter ce matin. Je tenais à le mentionner au passage.
Certains d’entre nous n’ont pas oublié les valises noires… Maurice Allais faisait porter par M. Berthier à des personnes privilégiées des valises noires, fort lourdes car elles contenaient ses œuvres plus ou moins complètes. Je me souviens particulièrement d’une fois où j’ai reçu un tel chargement, auquel était joint un petit mot de la main du maître spécifiant que je pouvais garder les valises. Hélas, elles n’étaient guère de bonne qualité. Je suis probablement le seul à mentionner les valises noires ce matin…
Également dans les années 1970, j’étais membre du directoire du CNRS et de son conseil du département des sciences sociales. Le directeur de ce département était Edmond Lisle, dont il faut saluer le rôle important à cette époque. Nous avons formé un petit groupe autour de lui, avec des personnalités comme Jean-Claude Casanova et Jacques Lesourne, pour œuvrer afin que Maurice Allais reçoive la médaille d’or du CNRS. Cette médaille lui a été attribuée en 1978. Edmond Lisle s’était donné beaucoup de mal et il a réussi. Il faut mentionner un autre petit groupe, avec Marcel Boiteux et Bertrand Munier. Nous avons tous trois publié en 1986 un ouvrage qui s’inscrivait clairement dans la perspective du lobbying pour le prix Nobel, intitulé : Marchés, capital et incertitude. Essais en l’honneur de Maurice Allais . Ma propre contribution avait pour titre : « Maurice Allais, savant méconnu » . Ce livre a également servi à attirer l’attention d’un public un peu plus large sur son œuvre.
J’ai une reconnaissance personnelle à l’égard de Maurice Allais – en dehors du plan intellectuel. Car il a beaucoup contribué à ma propre élection à l’Académie des sciences morales et politiques en 1992. Le hasard des calendriers a voulu qu’il ait prononcé un grand discours pour la remise de mon épée – ceci se passait au début de l’année 1993 – et il se trouve que la remise de sa propre épée, bien qu’il ait été élu deux années plus tôt, a eu lieu après la mienne, et que j’ai moi-même prononcé un discours à cette occasion , ce qui avait un côté fort émouvant.
Comment ne pas mentionner la cérémonie de remise du prix Nobel à laquelle il avait invité quelques-uns d’entre nous : Edmond Malinvaud, Jacques Lesourne, Marcel Boiteux… Je me souviendrai toute ma vie de ce moment, dans le hall de l’hôtel… nous étions en habit, c’était très touchant… Il m’a dit : « Et maintenant, je vais pouvoir m’occuper de la physique. » Maurice Allais n’a jamais cessé de ferrailler contre la théorie de la relativité, et je peux témoigner que cette passion lui a coûté son élection à l’Académie des sciences, à un moment où cette compagnie était disposée à accueillir un économiste . Je ne ferai pas injure à la mémoire de ce maître en disant qu’il s’est complètement et durablement fourvoyé dans le domaine de la physique. L’obstination n’est pas toujours une vertu.
Quelques mots maintenant sur l’œuvre économique, immense. C’est une œuvre théorique, mais elle couvre aussi l’économie appliquée et la politique économique.
En ce qui concerne l’économie théorique, il faut d’abord citer À la recherche d’une discipline économique et Économie et Intérêt, bien sûr. Allais fut un pionnier de la théorie de l’équilibre et de l’optimum. Mais il le fut aussi dans bien d’autres domaines, où les crédits ont souvent été attribués à d’autres, soit que ceux-ci aient fait les mêmes découvertes dans un autre langage, plus ou moins en même temps et indépendamment – ce qui arrive souvent dans l’histoire des sciences –, soit même qu’ils aient formulé ou découvert les notions en question postérieurement. Ces affaires d’attribution peuvent paraître futiles à certains, mais elles ne le sont pas pour la plupart de ceux qui consacrent leur vie à la recherche. Rares sont les hommes ou les femmes qui sont sincèrement indifférents à toute forme de reconnaissance, et suffisamment satisfaits par la puissance de leur vie intérieure, se contentant de jeter des bouteilles à la mer . Permettez-moi de rappeler, comme des têtes de chapitre, quelques-unes des contributions d’Allais.
Bien sûr, la théorie de l’équilibre général et de l’optimum, comme on dit dans le langage aujourd’hui consacré. Mais aussi la théorie de l’optimum capitalistique, avec la fameuse « règle d’or » qui énonce que, dans certaines conditions « idéales », le taux de croissance est égal au taux d’intérêt. Cet optimum capitalistique est toujours attribué à Phelps, dans la littérature américaine. Autre exemple : l’analyse de la demande transactionnelle de monnaie, avec la « formule de Baumol », alors que Baumol l’a énoncée après Allais. Il faut aussi mentionner son traitement des « modèles à générations renouvelées », plusieurs années avant Samuelson. Une particularité importante de ces modèles et que la donnée des possibilités techniques et des préférences des consommateurs ne suffit pas à déterminer le taux d’intérêt et l’allocation des ressources . Allais a également formulé une interprétation de certains types de cycles économiques par des modèles non linéaires, plus précisément l’utilisation de la théorie des cycles limites, indépendamment de Goodwin, seul mentionné dans la littérature anglo-saxonne. Plus reconnue internationalement est la réfutation expérimentale de la théorie de Von Neumann et Morgenstern sur l’espérance de l’utilité. Là au moins Allais est identifié comme le pionnier en matière d’application des méthodes de la psychologie à l’économie, à la base de ce que l’on appelle aujourd’hui l’économie comportementale et de la neuroéconomie. Cette partie-là de son œuvre est la seule qui fasse l’objet d’un grand nombre de références dans la littérature anglo-saxonne. Mais j’ai envie de dire que c’est une toute petite partie, presque microscopique, de cette œuvre. Il faut aussi mentionner la théorie du surplus, à laquelle il n’a jamais cessé de travailler jusqu’à son livre de 1981, lui aussi resté largement ignoré . Je voudrais à ce propos attirer l’attention sur son concept d’économie de marchés avec un s. Il attachait beaucoup d’importance au s. Il enseignait déjà ce thème à l’École des Mines, où il y avait à mon avis une idée proche de celles qui ont valu à Ronald Coase le prix Nobel, et ceci selon des démarches nettement séparées. Maurice Allais n’avait à coup sûr aucune idée des travaux de Coase, lequel était un juriste, et réciproquement. Enfin, il faut citer sa théorie de la monnaie, qualifiée d’« héréditaire, relativiste et logistique ». Jacques Lesourne a raison de parler de formulations un peu confuses, en tout cas difficiles d’accès. Elles apparaissent comme des généralisations audacieuses des théories de l’école de Chicago, notamment du modèle de Cagan sur les hyperinflations. Je crois que là aussi les contributions de Maurice Allais restent insuffisamment connues, ou tout au moins insuffisamment explorées.
Une dernière remarque sur les méthodes statistiques : Allais utilisait abondamment la statistique mathématique et avait un grand sens de l’économie empirique. Mais il n’a jamais été reconnu par les économètres professionnels. Là encore, il utilisait des méthodes non conventionnelles, à une époque où l’économétrie se développait fortement. Durant la partie de ma vie où je me suis le plus intéressé à l’économie, j’ai beaucoup entendu des économètres professionnels exprimer des doutes sur la perfection suspecte à leurs yeux des ajustements de Maurice Allais, ce qui soulève une vraie question. Il faudrait peut-être que des chercheurs examinent tout cela de très près au lieu de rejeter sans regarder, ce qui a été, je crois, très largement le cas jusqu’à présent.
L’œuvre de Maurice Allais, immense, couvre à peu près tous les domaines. Elle est toujours marquée par l’originalité. Originalité, indépendance de pensée, insensibilité aux modes : que de qualités rarissimes. Allais était indifférent aux débats convenus. Il n’avait cure de la manière conventionnelle dont à un moment donné on pose les termes d’un débat. Si quelqu’un pensait par lui-même, c’était lui. De fait, il était presque toujours à contre-courant des pensées dominantes. Cette indépendance farouche avait cependant son revers. Toute sa vie, Allais a superbement ignoré les travaux de ses contemporains, y compris ceux de Keynes, dont il se contenta de balayer les constructions théoriques comme inconsistantes, obscures, contradictoires, et j’en passe. N’ayant guère prêté attention aux autres et aux règles de jeu de la communauté scientifique, les autres le lui ont bien rendu, car dans le monde de la recherche comme ailleurs, les acteurs interagissent selon leurs intérêts et les francs-tireurs sont rejetés. Face à cette réalité sociologique fondamentale, notre héros d’aujourd’hui avait tort d’attribuer sa marginalisation à des complots de nature idéologique, comme si les autres auraient dû immédiatement partager la conviction qu’il avait de son propre génie. Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que son influence n’ait que difficilement débordé du cadre de l’École des Mines et de son environnement immédiat. Et l’on comprend même que l’attribution du prix Nobel en 1988 ait pu agacer les milieux académiques français conventionnels. Gérard Debreu avait été couronné en 1983, et après lui beaucoup s’attendaient à ce que vînt le tour d’Edmond Malinvaud. Le jury Nobel a finalement préféré le plus original au plus influent. Le choix n’était pas évident en un temps où la reconnaissance officielle se mesure d’abord par le nombre de citations dans des revues consacrées.
À propos de la politique économique, Valérie Pécresse a évoqué un « mystère » dans son allocution d’ouverture à ce colloque . Allais aurait été libéral au début de sa vie et protectionniste à la fin. Mesdames et Messieurs, je vous propose de lever ce mystère. Je crois qu’il y a une explication fort simple à cet apparent paradoxe. C’est que Maurice Allais a toujours été libéral, mais dans le sens d’un libéralisme qui exige la justice sociale, avec des institutions fortes pour éviter les dérives du pur laisser-faire laisser-passer. Il n’y a aucun doute là-dessus. Il a toujours été libéral dans un sens très profond. Mais au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, c’était le dirigisme qui prévalait. Il était donc normal qu’à l’époque un esprit indépendant comme Maurice Allais insistât sur les dimensions libérales. Il s’est fait connaître du grand public, après le prix Nobel, donc après 1988, c’est-à-dire à la veille de la chute de l’Union soviétique, alors que le pendule était parti dans la direction opposée. On était passé à l’excès d’un libéralisme mal conçu et mal compris. Et donc, en vertu du phénomène de balancier, parce qu’il était toujours à contre-courant, il a à ce moment-là insisté sur les limites du libéralisme. Pour moi, il n’y a aucun doute qu’il y a un seul Maurice Allais. Le Maurice Allais de la fin n’était pas en contradiction avec le Maurice Allais du début. Il est toujours resté ce qu’il était fondamentalement, c’est-à-dire un homme qui combat les pensées uniques , les pensées dominantes du moment. Je pense à un article de 1961 – en fait une communication à l’Académie des sciences morales et politiques – sur ce que l’on appelait alors le problème du Tiers Monde. On y trouve un équilibre remarquable entre l’exigence de la liberté individuelle et les nécessités d’un encadrement, de certaines formes de protectionnisme limité et bien compris. Ceci s’applique aussi à l’Europe. Quand on regarde aujourd’hui les critiques de Maurice Allais sur la monnaie unique, ce n’est pas vraiment qu’il la critiquait en tant que telle. Il s’inquiétait des conditions de sa mise en œuvre, avec des raisonnements qui sont aujourd’hui parfaitement reconnus, puisque les difficultés que nous éprouvons actuellement dans la zone euro résultent de ce que nous sommes passés à l’acte sans avoir complètement mis en place les institutions qui eussent été nécessaires pour la faire bien fonctionner durablement.
Un autre point où il s’est illustré est la question de l’instabilité potentielle due aux excès d’endettement. L’idée se trouve explicitement dans ses cours de l’École des Mines. J’ai relu mes polycopiés de l’époque. Il n’y a aucun doute là-dessus. Il a repris ce sujet dans un article de 1993, mais en français et dans la Revue d’économie politique qui n’est pas une grande revue internationale. À ma connaissance, toutefois, il n’a jamais théorisé sur l’endettement. J’ai cherché, je n’ai pas trouvé trace d’une théorie des bulles, par exemple. Mais il était parfaitement conscient du phénomène et lui a même consacré des articles dans Le Monde après 1988.
Je voudrais enfin mentionner d’un trait que Maurice Allais avait des vues profondes voire radicales sur les problèmes de justice sociale et de distribution des revenus.
Je conclus en revenant sur le thème « Maurice Allais, savant méconnu ». Plusieurs causes de cette méconnaissance ont été évoquées précédemment. C’est en raison de l’époque, en raison de la sclérose de l’Université française en ce temps-là, en raison de la langue, mais aussi en raison de certains traits de sa personnalité. Paul Samuelson a dit – j’ai eu moi-même une conversation avec lui sur ce sujet dans les années 1980, avant le prix Nobel – que si Allais avait publié en anglais et s’il s’était fait connaître en anglais, il aurait vécu une tout autre carrière. Très attaché à la France, il n’a jamais envisagé de s’exiler. En France, la reconnaissance a été tardive. J’ai mentionné la médaille d’or du CNRS. Il avait soixante-sept ans. Quand le prix Nobel lui a été décerné, il en avait soixante-dix-sept.
Mais il n’est pas possible d’en rester là et de passer sous silence un incident qui l’a beaucoup marqué ainsi que le petit monde qui s’intéresse à l’histoire de l’École polytechnique. Cela se passait en 1959. L’école avait eu deux grands professeurs, chargés d’initier les élèves à l’économie : Clément Colson au début du siècle, et François Divisia pendant trente ans. Divisia, dont il avait été l’élève et qui l’avait marqué, était parti à la retraite en 1959. Maurice Allais se porta alors candidat pour prendre sa suite, mais le conseil de perfectionnement – instance décisionnaire en la matière – présidé par Louis Armand, lui préféra un inconnu, au demeurant plein de bonne volonté, nommé Jacques Dumontier. Pierre Massé, qui jouissait d’une grande réputation et avait une œuvre derrière lui, avait été sollicité. Mais venant d’être nommé commissaire général au Plan, il avait refusé. Le Plan était une grande institution à l’époque. L’affaire agita le milieu polytechnicien. Un philosophe réputé, Louis Rougier, publia un pamphlet intitulé Scandale à Polytechnique, stigmatisant une « cabale antilibérale » et consacrant de nombreuses pages à fustiger le rejet par l’Académie des sciences des recherches d’Allais sur la relativité ! Il a fallu la réforme de l’École polytechnique de 1968 pour que, sous l’impulsion de Jean Ullmo puisse être créé un département moderne de sciences économiques que j’eus l’honneur de présider pendant dix-huit ans, entre 1974 et 1992.
À la réflexion, je ne pense pas que Maurice Allais aurait pu être le genre de professeur adapté aux élèves de l’École polytechnique. Exclusivement centré sur ses propres travaux, son enseignement n’aurait convenu ni comme initiation à la discipline, ni comme introduction à la recherche contemporaine. Beaucoup plus que les oppositions idéologiques ou le vain combat contre Einstein, ce sont des considérations pédagogiques qui ont présidé au choix du conseil de perfectionnement, si j’en crois le témoignage de Jean Ullmo, qui était très proche de Louis Armand. J’imagine que les archives de l’École pourraient clarifier la question. Quoi qu’il en soit, cette marche-là a été manquée. Je me bornerai à dire qu’en ce qui me concerne, j’ai essayé, dans mon cours, d’accorder une place explicite à certains aspects de son œuvre, y compris dans ses parties les plus difficiles et les plus obscures, comme la théorie monétaire .
En définitive, il est clair que beaucoup des gens qui parlent aujourd’hui de l’œuvre de Maurice Allais ne l’ont pas explorée. Je sais que la plupart des grands économistes que nous avons aujourd’hui en France – il faut se féliciter de l’éclosion d’une école française d’économie internationalement reconnue – ont peu ou pas étudié cette œuvre. Je pense typiquement à une conversation récente avec l’un des économistes français les plus réputés dans le monde, qui m’a explicitement avoué n’avoir rien lu de lui. Le fait est que, malgré le prix Nobel, Maurice Allais est resté un savant méconnu.
Nous lui rendons aujourd’hui hommage, et j’espère que d’autres suivront. Mais le meilleur hommage – et peut-être, de ce point de vue-là, la fondation qui va être mise en place en sa mémoire pourrait-elle être utile – serait que des chercheurs de qualité soient incités à se pencher effectivement sur son œuvre et aillent à la recherche des pépites qui restent encore à y découvrir. Elle mérite qu’on la regarde de très près, pas seulement dans une optique d’histoire de la pensée, mais aussi avec le souci de retrouver les intuitions, les éclairs de génie. Il en a beaucoup, et parfois c’est au travers d’un petit modèle, d’une petite page, que l’on peut trouver une piste à explorer. Il faudrait aussi faire ce travail en matière économétrique. Comme je l’ai dit, aucun chercheur à ma connaissance ne s’est attaché à l’aspect empirique du travail de Maurice Allais comme objet de recherche.
C’est ce par quoi je veux conclure. Si la France veut vraiment lui rendre hommage, la meilleure façon de le faire serait d’encourager des travaux qui le prolongent effectivement.