Thierry de Montbrial

L’Union européenne face à un déclin inévitable ?

Relations internationales

Contributions / interviews

Interview dans la revue Question internationales n° 133, "Le passé kidnappé ?", (pages 93 à 99)

Entretien avec Thierry de Montbrial par Sabine Jansen et Serge Sur dans la revue Questions internationales. Membre de l’Institut (Académie des sciences morales et politiques), Thierry de Montbrial est le fondateur et le président exécutif de l’Institut français des relations internationales (Ifri). Il est l’auteur de L’ère des affrontements. Les grands tournants géopolitiques (Dunod, Paris, 2025).

Sabine Jansen – Pouvez-vous nous donner une vision globale de l’Union européenne telle que vous la percevez aujourd’hui ?

Thierry de Montbrial – Dès le début des années 1970, j’ai oscillé entre les visions différentes de la construction européenne qu’avaient Jean Monnet et le général de Gaulle. Comme j’étais un passionné de mécanique quantique, je n’étais pas gêné par la juxtaposition de ces deux visions opposées. Elles m’ont permis d’alimenter une bonne partie de mes réflexions dans le domaine des relations internationales et de mieux analyser les questions de gouvernance : comment faire, aussi bien à l’échelle régionale qu’à l’échelle mondiale, pour renforcer les chances de stabilité structurelle du système international ?
Depuis, cette juxtaposition des contraires a pris un tour plus agressif et on a pu constater que les nations – et c’est là la composante gaullienne – avaient la vie beaucoup plus dure, et même considérablement plus longue, que tous les autres projets d’organisation. On a parfois l’impression, aujourd’hui, que les pays membres ne songent à l’Union européenne que par rapport à leur intérêt propre.
Dans tous les systèmes politiques, qu’ils soient démocratiques ou non, le vrai problème est celui de l’acceptation des règles du jeu. Il en est ainsi au niveau international où les règles du jeu sont fondées sur une répartition implicite des pouvoirs entre nations. Les rapports de puissances et de forces étant par nature évolutifs, une acceptation durable et unanime de règles du jeu fixées une fois pour toutes est par conséquent impossible. La notion de règle du jeu implicite et intériorisée est indissociable du concept de déconstruction. La construction européenne s’inscrit dans ce type de problématique.
En 2001, en tant que président de l’Académie des sciences morales et politiques de l’Institut de France, j’avais pris comme thème du cycle d’études annuel « la France du nouveau siècle ». À la fin de l’année, j’avais prononcé le discours traditionnel sous la Coupole en terminant par une citation peu connue de Victor Hugo où il présage la mort de la France au profit de l’Europe. Cette vision avait provoqué une réaction de stupéfaction dans l’assemblée. J’estime aujourd’hui que la construction européenne est entrée dans une phase de danger mortel. Tout le schéma initial a été bouleversé à partir de la chute de l’Union soviétique, qui marque le point final du projet européen d’origine tel qu’il a prospéré jusqu’à l’Europe à Quinze.

Sabine Jansen – Dans votre récent ouvrage L’ère des affrontements. Les grands tournants géopolitiques, vous évoquez à propos de la construction européenne un nœud gordien positif. Qu’entendez-vous par là ?

Thierry de Montbrial – L’image du nœud gordien positif est une façon de parler de la théorie de l’engrenage, à la base de la construction européenne, et à un moindre degré de toute organisation internationale. L’idée est qu’en multipliant les interdépendances, vient un moment où les intérêts des différentes parties deviennent tellement intriqués qu’il ne leur est plus possible de faire marche arrière.
Pour les théoriciens de la construction européenne et de cette théorie de l’engrenage, l’idée que ce nœud soit impossible à dénouer est positive, puisque les différentes parties sont contraintes de faire en sorte que le projet marche. Il faut donc se résoudre à toutes ses consé¬quences, même si elles contrarient les citoyens. D’où potentiellement un énorme problème de légitimité pour l’Union européenne.
Dans le domaine des relations internationales, dénouer un nœud gordien signifie soit provoquer des crises majeures voire des guerres, soit laisser pourrir et se décomposer la situation. L’éclatement ou le pourrissement : tel est à mon avis le dilemme auquel l’Union européenne fait face aujourd’hui. C’est pourquoi j’ai précédemment indiqué que les nations ont la vie plus dure que les constructions institutionnelles qui les englobent.

Serge Sur – Il ne s’agit pas seulement des nations, mais également des États qui sont des structures. L’Union européenne n’est qu’une superstructure qui n’existe pas sans les États.

Thierry de Montbrial – Les États subsistent en effet mais ils peuvent aussi s’affaiblir voire s’effondrer. Il me semble que la construction européenne est arrivée à la limite du domaine de validité de la théorie de l’engrenage. Celle-ci ne fonctionne plus. En physique des matériaux, au-delà de l’élasticité et de la plasticité, il y a la rupture. L’exemple est imagé mais il correspond à la situation actuelle de l’Union européenne qui est déjà entrée dans sa phase de plasticité et se rapproche du seuil de rupture.

Sabine Jansen – Dans vos travaux, vous avez fréquemment placé au cœur de la question de la construction européenne celle de l’identité de l’Union européenne. Cette notion d’identité européenne est-elle toujours centrale ?

Th. de Montbrial – Dans un sens extrêmement général, l’identité est ce qui fait qu’on est capable de reconnaître un objet. L’identité d’un objet, c’est le fait que toutes les personnes intéressées par cet objet reconnaissent que l’on parle de la même chose. Par exemple, si vous lisez l’Histoire de France de Jules Michelet et celle de Jacques Bainville, quand bien même les approches sont sensiblement différentes, personne ne peut douter que les deux ouvrages traitent du même sujet.
Lorsque l’on parle de l’État-nation, on n’a pas de doute sur le fait qu’identité et sécurité sont les deux faces de la même pièce. Le propre de ce que dans mon ouvrage, L’Action et le système du monde, j’appelle Organisation – c’est-à-dire le gouvernement dans le cas de l’État – est de faire en sorte que cet État persévère dans son être (le conatus). Les questions d’identité et de sécurité sont effectivement indissociables. Si l’on n’est pas au clair avec son identité, on ne peut pas l’être avec ses objectifs de sécurité. Réciproquement, on ne peut pas réaliser un consensus sur une conception de la sécurité si, en arrière-plan, il n’y a pas un consensus sur l’identité.
Or, déjà dans les premiers temps de la construction européenne, c’est-à-dire jusqu’à l’Europe des Quinze, la question de l’identité se posait. Depuis la chute de l’Union soviétique, et surtout depuis la guerre d’Ukraine, nous sommes entrés dans une temporalité sans perspective, où les décideurs sont sur un mode purement réactif ou incantatoire. Si vous me permettez cette image, le canard a perdu sa tête.

Serge Sur – Précisément, ces questions d’identité et de sécurité nous amènent aux problèmes de la sécurité et de la défense européennes, mais aussi à la question de son leadership.

Thierry de Montbrial –Le grand physicien Paul Langevin, à qui l’on demandait quelle différence il voyait entre le concret et l’abstrait, avait donné la réponse suivante : « Le concret, c’est de l’abstrait usagé ». Face à la dérive de la construction européenne, seul un choc extérieur pouvait conduire à se poser opérationnellement la question d’une défense européenne. La nécessité d’un leadership européen apparaît plus que jamais cruciale. À partir du moment où il est impossible de parvenir à une vision commune de l’identité européenne par la délibération de vingt-sept parties supposées égales, certains pensent que seule l’émergence d’un leader pourrait la faire jaillir, voire l’imposer. Je suis conscient que cette question est actuellement taboue mais elle surgira un jour ou l’autre.

Sabine Jansen – On parle de leadership parce qu’on ne peut pas ou plus imaginer un double leadership. Est-ce que l’Allemagne, plus puissante sur le plan économique que la France, n’a pas non plus intérêt à travailler avec elle ?

Thierry de Montbrial –Derrière les paroles convenues, tout le monde est conscient des faiblesses actuelles de l’Europe, y compris les Allemands. Pour le moment, aucun parmi les grands acteurs ne souhaite la déstabiliser davantage. Quant à la supériorité économique de l’Allemagne que vous évoquez, elle est potentielle car ce pays est lui aussi déstabilisé. L’Allemagne sera-t-elle capable rapidement de se reconstruire économiquement sur de nouvelles bases ? La France sera-t-elle capable de faire enfin les réformes nécessaires, en suspens depuis parfois quarante ans ? Selon les réponses à ces questions, les schémas d’évolution seront très différents. Un schéma préoccupant verrait l’Allemagne se reconfigurer assez vite tandis que la France ne parviendrait pas à sortir de ses ornières. C’est la raison pour laquelle mon avertissement depuis longtemps concerne la France.

“Les peuples malheureux s’intéressent à leur histoire, tandis que les peuples heureux l’oublient”

Ne perdons pas de vue l’importance de l’histoire. Je voudrais rappeler la première phrase d’Anna Karénine – « Toutes les familles heureuses se ressemblent, les familles malheureuses le sont chacune à leur manière » – et vous conter une anecdote riche d’enseignement : dans les années 1980, l’ambassadeur de Tchécoslovaquie à Paris m’invitait à déjeuner une à deux fois par an. Il m’apparaissait alors comme un apparatchik un peu terne. Et puis, après la chute du bloc communiste, j’apprends qu’il est nommé directeur de l’institut des relations internationales de son pays et qu’il m’invite à Prague. Un soir, nous avons parlé longuement. Vers une heure du matin, j’ai vu ce monsieur me faire un cours d’histoire de l’Europe en remontant à l’époque médiévale. J’ai alors été ébloui tant il faisait soudain preuve d’une intelligence de l’histoire, d’une finesse, pas seulement au sujet de son pays, mais aussi de l’Europe, et plus particulièrement de l’Europe centrale. C’est là que j’ai pensé à Tolstoï. Parce que les peuples malheureux s’intéressent à leur passé, tandis que les peuples heureux l’oublient.
J’ai pris de plus en plus fortement conscience de ce poids de l’histoire, alors que les dernières générations de dirigeants occidentaux l’ont largement ignoré. Comme nous entrons, si mon pronostic est exact, dans une période extrê¬mement difficile, l’histoire va se rappeler à nous pour le meilleur et pour le pire.

Serge Sur – Si nous observons ce qui se passe actuellement, l’histoire n’est-elle pas déjà de retour ? N’assistons-nous pas, notamment de la part d’Israël et des États-Unis, à une volonté de changement de régime (« regime change ») comme celle qui prévalut chez les décideurs américains en 2001 à l’égard de l’Afghanistan puis en 2003 envers l’Irak ?

Thierry de Montbrial – Cela correspond à ce que j’appelle au début de mon livre la croisade inversée. Naguère, il y eut une « croisade de l’est » pour conquérir le monde, puis le système soviétique s’est effondré. Depuis la chute de l’URSS, nous assistons à une « croisade de l’ouest » au nom de l’idéologie démocratique.
Dans les années 1990, le mot d’ordre était les dividendes de la paix. On est passé de la quête de la paix à la quête de la domination. J’ai une conception de la sécurité – pour le moment encore hétérodoxe – fondée sur la distinction entre l’équilibre des forces et l’équilibre des intérêts fondamentaux : à mon sens, on ne peut assurer une paix durable que si l’on accepte de reconnaître certains des intérêts de l’adversaire.

Serge Sur – Concernant la question majeure de la sécurité européenne, elle serait donc liée à un manque d’identité européenne ?

Thierry de Montbrial – Redisons-le : la question de la sécurité européenne est inséparable de celle de l’identité. Je n’ai pas la réponse à la question fondamentale suivante : pour quoi et pour qui les Européens seraient-ils prêts à mourir ? De nos jours, on a tendance à ramener toute la question de la sécurité européenne à la menace russe, alors que l’Europe fait face à de nombreux autres risques, sur son flanc sud notamment. Les Européens clament la nécessité d’une solidarité avec l’Ukraine, mais cette sacro-sainte solidarité a été souvent absente, entre autres récemment au Sahel où la France est restée bien seule.

Sabine Jansen – Revenons sur les risques qui menacent l’Union européenne. Vous avez évoqué implicitement un choc possible, comme l’implosion de l’euro, mais aussi la remise en question des règles du jeu de l’Alliance atlantique. Dans quelle mesure cette remise en question constituerait un choc majeur pour l’Union européenne ?

Thierry de Montbrial – Comme je l’ai déjà indiqué, les règles du jeu sont souvent implicites. Au fond, celles de l’Alliance atlantique étaient extrêmement simples pour les Européens : elles se ramenaient à l’adhésion au protectorat américain. Après la chute de l’URSS, les intérêts américains ont évolué. Il existe désormais une crise de confiance entre les États-Unis et l’Europe. Pour autant, cela ne veut pas dire que les Européens soient capables de construire une alternative. Il faudrait pour cela répondre aux questions embarrassantes, comme celle de l’identité européenne ou encore celle du leadership. Sur ce dernier point, le problème c’est quand il y a plusieurs candidats potentiels…

Sabine Jansen – « Dans un jeu à trois, il faut toujours être l’un des deux », selon la formule de Bismarck.

Thierry de Montbrial – On pourrait dire aussi que quand on est deux, il faut être le premier. Et qui sont les candidats possibles ? Je prends volontiers le risque de le dire clairement : dans l’avenir prévisible, on n’arrivera pas à un consensus. Arriver à un consensus identitaire multilatéral n’est concevable en pratique que dans un rapport de puissance.

Serge Sur – N’est-ce pas la loi du multilatéralisme, qui intériorise les contradictions sans les résoudre ?

Thierry de Montbrial – Il subsiste toujours, dans un traité ou dans un accord imposé par un leader, des tensions, des refoulements, des aigreurs. Concernant l’Europe, il s’agit désormais de savoir combien de temps elle pourra encore survivre au sens le plus large du terme, sans émergence d’un leader et qui pourrait être ce leader ? C’est là que l’on retrouve tous les enjeux de l’histoire politique européenne du XIXe siècle, y compris par rapport à la Russie et à la Turquie. Le jour venu, le premier pays qui aura vocation à se rapprocher de la Russie sera l’Allemagne. La proximité historique entre l’Allemagne et la Russie est un fait. Au sujet de la Russie et de l’Ukraine, le consensus actuel est fragile.

Sabine Jansen – Vous évoquez dans votre dernier ouvrage la nécessité d’un audit approfondi de l’Union européenne. En 1983, vous aviez publié avec les directeurs d’un certain nombre de think tanks européens, La Communauté européenne : déclin ou renouveau, dans lequel vous proposiez un diagnostic et avanciez un certain nombre de solutions. Quelles seraient aujourd’hui vos préconisations ?

Thierry de Montbrial – Je suis et reste profondément européen dans la mesure où je crois que si nous n’avons pas une organisation européenne solide et si nous laissons la situation se dégrader, un retour des conflits en Europe dans dix, vingt ou trente ans est possible. Or, la meilleure façon de prévenir les conflits futurs est d’être lucide sur les risques actuels, et de sortir du registre incantatoire dans lequel la Commission européenne, tout en outrepassant ses droits, se complait souvent. Ces excès sont d’ailleurs dangereux en raison des réactions extrêmement fortes qu’ils susciteront tôt ou tard.

Sabine Jansen – Quels peuvent être les différents scénarios ?

Thierry de Montbrial – Être lucide signifie pour la France le préalable du rétablissement de l’économie. C’est le point numéro un. Je crois le pays encore capable de se redresser. Si l’on se montrait crédible, les capitaux afflueraient, beaucoup d’investisseurs de tous ordres se réjouiraient. La France est en déclin, ce qui est réversible, et non en décadence, ce qui ne l’est pas. Un deuxième point consisterait à essayer de tirer de ce constat un enseignement plus large. Chaque pays membre de l’Union européenne devrait faire cet audit pour lui-même, mais dans un esprit européen. Il convient aussi de repérer, dans le cadre actuel des droits nationaux et du droit européen, les points critiques qui risquent de provoquer ce que j’appelais au début le pourrissement du système.

“L’Europe est allée trop vite et trop loin dans certaines directions. Elle doit savoir se replier et donc organiser des replis tactiques pour mieux réfléchir et améliorer la situation”

Je veux demeurer optimiste. Regardez l’exemple de l’immigration. Aujourd’hui, on caricature la question en « pour » ou « contre », alors que la question ne se pose évidemment pas en ces termes. J’emprunterai ici une image au domaine militaire : quiconque a étudié l’art de la guerre sait qu’il faut parfois reculer. Sans battre en retraite, il peut être nécessaire de se regrouper pour mieux reprendre l’offensive. Sur la question de l’espace Schengen, acceptons un repli tactique en rétablissant temporairement des frontières avec l’objectif de trouver le plus rapidement possible un système adapté. L’Europe est allée trop vite et trop loin dans certaines directions.
Pour revenir à la sécurité européenne, il conviendrait de réfléchir à une sorte d’alliance classique entre des pays faisant partie ou non de l’Union européenne, à commencer par le Royaume-Uni. Une autre possibilité serait, si l’on veut rester dans le cadre de l’Union européenne et de l’évolution de l’Alliance atlantique, d’envisager un traité entre les États-Unis, le Canada et l’Union européenne en tant que telle. Or, à ma connaissance, cela n’a jamais été fait.

Serge Sur – Sur le plan militaire il faudrait alors définir les compétences militaires de l’Union européenne ?

Thierry de Montbrial – Il s’agirait d’abord d’établir une liste des questions fondamentales. Regarder où on en est et faire des replis tactiques permettant de regrouper un peu les forces, en essayant de voir dans quelle direction repartir. Il faut arrêter de faire semblant d’avoir tous exactement les mêmes intérêts. On peut être alliés sans avoir exactement les mêmes intérêts.
Sabine Jansen – Pendant très longtemps l’Union Européenne a su faire émerger des consensus à partir d’intérêts divergents. Quand on examine la manière dont sont adoptées les directives européennes, on voit que se constituent des coalitions visant à faire en sorte que le plus grand nombre de membres y trouve son compte, en dépit des différences. Mais l’hétérogénéité grandissante de l’Union complique le processus, a fortiori dans un domaine régalien aussi sensible que la défense.

Serge Sur – Concrètement tout est donc conditionné par le redressement français ?

Thierry de Montbrial – Oui parce que la France, qui est le pays fondateur, est aujourd’hui malade. L’Allemagne a accompli un travail remarquable après la réunification. Elle a laissé filer ses déficits mais les a corrigés après. Alors que la France a profité de la situation pour laisser filer les siens, et ne s’est pas arrêtée après. La France doit être crédible pour être audible.

Serge Sur – Autrement dit, le bon fonctionnement de l’Union européenne est tributaire du bon fonctionnement des États européens ? Ce qui une fois encore souligne qu’elle est une superstructure et pas une structure.

Thierry de Montbrial –Les deux principes cardinaux de la reprise de la construction européenne devraient être les suivants : premièrement, se mettre tous en état de marche à l’intérieur, politiquement et économiquement, reconnaître que nous avons devant nous des années très difficiles nécessitant des réformes profondes. C’est aux États d’exercer effectivement ce qu’on appelle la puissance. Deuxièmement, des replis tactiques pour mieux se regrouper, et mieux repartir de l’avant. Je pense particulièrement à la question des frontières de l’Union, sujet essentiel actuellement mal traité.

Sabine Jansen – Les États-Unis de Donald Trump représentent un véritable risque car ils pourraient être tentés de conclure des accords bilatéraux au bénéfice de certains États et au détriment d’autres, ce qui pourrait accroître les divisions au sein de l’Union ?

Thierry de Montbrial – Si l’unité européenne est perçue comme de pure façade, les vraies failles apparaîtront au grand jour. La solidarité réelle des Européens est essentielle pour que l’Europe survive. Sans compter que, comme me l’ont enseigné mes voyages ces dernières années, le reste du monde souhaite une Europe plus forte. Une telle Europe serait vue comme un facteur d’amortisseur de crise, de réduction des incertitudes et un contrepoids aux grandes puissances traditionnelles.

Couverture de la revue questions internationales n°133 de 2025

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