On ne peut pas avoir une politique étrangère forte si on n’a pas une économie forte

Interview accordée à Russia Today le 14 avril 2017

Le président de l’Institut français des relations internationales, Thierry de Montbrial fait part à RT France de sa vision de la campagne électorale française et analyse les enjeux pour les candidats. «A quelques jours du premier tour de la présidentielle française on ne peut pas faire de prévisions», affirme le président l’Institut français des relations internationales (IFRI), en visite à Moscou. Il y a notamment rencontré le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, et tenu une conférence à l’Institut des relations internationales (MGIMO).

« On ne peut pas avoir une politique étrangère forte si on n’a pas une économie forte »

En se basant sur l’analyse de la campagne électorale française, l’universitaire estime qu’en dépit du caractère imprévisible de ce scrutin, la France se trouve à un tournant de sa vie économique : «Le premier des intérêts fondamentaux de la France, c’est de faire des réformes économiques», juge Thierry de Montbrial. «On ne peut pas avoir une politique étrangère forte si on n’a pas une économie forte», poursuit l’intéressé.

S’agissant de l’économie, certains candidats font «fausse route». C’est le cas de la candidate frontiste Marine Le Pen, du candidat de l’extrême gauche Jean-Luc Mélenchon ou du gagnant de la primaire socialiste Benoît Hamon. Le chercheur note cependant que les candidats qui sont élus sur des programmes radicaux doivent ensuite souvent revenir en arrière.

« Je ne suis pas convaincu que tous les citoyens soient des experts en économie et encore moins en relations internationales, les raison pour lesquelles les gens votent pour ou contre quelqu’un sont des raisons beaucoup plus émotionnelles »

Les candidats qui ont «un point de vue plus sérieux» en ce qui concerne l’économie sont, pour Thierry de Montbrial, François Fillon qui a un programme «très rigoureux mais très articulé». S’agissant d’Emmanuel Macron «qui n’a sans doute pas eu le temps d’élaborer un programme aussi précis que celui de François Fillon», le président de l’IFRI précise : «Son programme ambigu consiste à ramasser le maximum de voix à droite et à gauche.» Les deux candidats ont toutefois en commun de vouloir rester dans l’UE et de conserver l’euro.

Quant aux montées de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen, le chercheur les explique par le fait qu’il y a en France, comme dans beaucoup de pays du monde, un problème de populisme, «de rejet de ce qui s’est passé avant».

«Je ne suis pas convaincu que tous les citoyens soient des experts en économie et encore moins en relations internationales, les raison pour lesquelles les gens votent pour ou contre quelqu’un sont des raisons beaucoup plus émotionnelles», estime Thierry de Montbrial pour qui le processus électoral produit souvent des effets de cette nature.

« Beaucoup de gens souhaitent revenir à une vision gaulliste de ce qu’est l’intérêt national »

En analysant la politique étrangère de la France, le chercheur souligne un certain rapprochement entre les milieux néo-conservateurs américains et l’évolution du gaullo-mittérandisme au cours des dix dernières années.

«Beaucoup de gens souhaitent revenir à une vision gaulliste de ce qu’est l’intérêt national», explique Thierry de Montbrial. Cette tendance, pour lui, est incarnée par des gens très différents comme François Fillon ou des «candidats extrémistes» comme Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon.

Quel que soit le vainqueur de la présidentielle, «il doit y avoir une révolution de la politique étrangère», juge l’universitaire. Emmanuel Macron qui aurait le plus de chances de gagner «n’a pas d’expertise particulière, mais ses vues sont plutôt conventionnelles, plutôt dans le prolongement de ce qu’on a vu ces dernières années», conclut Thierry de Montbrial.

Voir l’intégralité de l’interview donnée à Russia Today